- Modèle
cognitif
- Modèle
stratégique
Modèle cognitif (Mihaescu & Delsignore, 1998)
Comme le montre le schéma, le contenu de la pensée intrusive est d'une relative importance par rapport à la signification (traitement de l'information) que la personne lui donne. Dans ce modèle cognitif, on se centre donc sur les significations que la personne accorde à ses pensées intrusives. Il s'agit de réévaluer et de corriger l'interprétation négative et catastrophiste que la personne fait de la présence et du contenu de la pensée qui le hante (jugement, sur la valeur de l'intrusion, de son importance et/ou de ses répercussions).
Le dysfonctionnement se fait donc au niveau du traitement de l'information à travers diverses croyances et distorsions (Ladouceur, 1999) :
-
Surestimation de la présence ou du contenu des pensées
-
Surestimation de la probabilité et de la gravité des conséquences éventuelles de ses pensées.
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Surestimation de la responsabilité
-
Attitude perfectionniste (besoin de certitude et de contrôle).
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Surestimation des répercussions mêmes de l'anxiété
Les thèmes pourront ainsi être :
- Le sujet ne tolère pas d’avoir des pensées alarmistes. Type de croyance : « Penser cela va me mener à la catastrophe. Je ne dois pas tolérer ces pensées… ». Intolérance aux pensées intrusives.
- Le sujet doit être parfait ou se considère responsable d’une prétendue insuffisance : « Ca doit être parfait sinon je suis responsable ». Perfectionnisme et responsabilité personnelle.
- Le sujet pense être systématiquement jugé, condamné, puni en cas d’erreur : « Si je fais une erreur, je suis condamné », « Si je n’y arrive pas, je serai puni »… Peur du jugement et culpabilité.
- Le sujet pense que ritualiser ou ruminer va faire disparaître la peur : « Si je vérifie, ça ira bien après ».
Illusion de contrôle
Bien qu’instructif, ce modèle cognitif est discutable lorsqu’il établit que le rituel calme l’anxiété à court terme (même si cela est relativement vrai). D’un point de vue thérapeutique, le principal intérêt du rituel n’est pas nécessairement de calmer l’anxiété mais plutôt de ne pas arriver à la calmer suffisamment pour que le rituel n’en soit plus un. On peut dire que le normal et le pathologique se définissent par le degré d'efficacité que le sujet prête à son rituel. Le dernier élément pertinent est donc l’auto-évaluation par le sujet de sa capacité à calmer sa peur : Sous-estimation de l’efficacité personnelle (à calmer ou gérer la peur).
Ce modèle se réfère essentiellement à celui de l''Ecole de Palo Alto, Approche systémique et stratégique.
Causalité circulaire
Construire un modèle du TOC est difficile. Tout le monde a très certainement tort et raison à la fois. Une peur peut par exemple être décrite comme un conditionnement par un comportementaliste, comme le résultat d'interactions systémiques par un thérapeute familial, comme un traumatisme d'enfance non-résolu par un analyste, comme une angoisse existentielle par un existentialiste, comme un dysfonctionnement des systèmes de représentation par un cognitiviste etc... Tous ces éléments (et bien d'autres) peuvent être considérés comme pertinents (surtout d'ailleurs si le sujet les considère comme pertinents). Il y a bien sur des TOCs qui résultent d'un traumatisme, d'une habitude ou d'un système familial dysfonctionnel et cette causalité permet de résoudre certaines problématiques. Mais autant que le « pourquoi », il y a le « comment ». Il convient d'explorer un questionnement complémentaire : « Pourquoi le problème existe? » mais aussi « comment le problème fonctionne? ».
Il apparait donc pertinent, en plus d'explorer les différents facteurs émergents d'aller au-delà de cette causalité linéaire, déterministe (cause-effet) pour une « causalité circulaire » attachée au processus opérant du trouble, celui qui le continue voire l'agrave. On observe ici un processus non pas linéaire mais cybernétique.
« Une fois qu'un tel processus circulaire s'est établi, on ne peut plus parler de résultat, de cause et d'effet. Le système doit être étudié dans sa totalité, car la totalité représente d'avantage que la seule somme de ses parties. Toute tentative d'étudier les composantes de façon isolée détruirait la totalité et produirait des résultats qui n'aideraient en rien à notre compréhension du système. C'est plutôt l'inverse qu'on observe dans le cas présent : notre compréhension d'une seule composante ou d'une fonction donnée su système présuppose notre compréhension du système dans sa globalité »
Nardone et Watzlawick
Des solutions qui deviennent des problèmes
Pour éclaircir ces propos, on peut établir un modèle de formation puis de persistance du trouble. Celui-ci n'est tout d'abord pas nécessairement déclenché par par des événements graves. Le déclencheur peut même être un événement mental : « il se pourrait que... ». A partir de là, l'ancrage d'un trouble tel que le TOC n'est que très rarement du à un facteur initial mais plutôt à tout ce que la personne va mettre ensuite en place pour éviter la peur.
On peut
dégager un point de vue sur la difficulté
psychologique et le TOC
en particulier qui a le mérite d’être
simplissime dans son
principe : des solutions qui deviennent des
problèmes.
-
La première gestation est de
l’ordre du jugement : une
personne vit une situation et décide qu’il y a un
problème. Elle
se dit par exemple : « Et si j'avais fait une
erreur ».
Chacun a pu se dire cela à un moment ou un autre de sa vie,
en y
prétant plus ou moins attention. Dans le cadre du TOC, il va
y avoir
peur, une forte intensité émotionnelle, si bien
que le doute
(normal) va devenir un problème (anormal).
- La deuxième
gestation est de l’ordre de la
prise de décision : à
partir du moment où on a déterminé
qu’on
avait un problème, il
est tout à fait légitime de vouloir mettre en
place des
solutions. Le sujet construit alors des stratégies pour
calmer
son
anxiété et résoudre le
problème. Dans
l'exemple initié plus
haut, la personne va mettre en place des vérifications pour
calmer
ses angoisses. Les vérifications vont apporter une
légère
réassurance à court terme mais augmenter
l'anxiété à court et
moyen terme (si on a besoin de vérifier autant de fois,
c'est
qu'on
n'est pas fiable et que l'erreur est probable). Chaque
vérification
correspond à ce qu'on appelle
« impuissance
apprise » et
vient nourrir l'anxiété. Le système
obsessionnel
compulsif est
entretenu et développé par les efforts produits
pour
combattre la
peur.
Le trouble va se révéler lorsque les solutions
mises en place complexifient le problème. Les
solutions au
problème (ici, la vérification) deviennent
elles-mêmes le
problème.
On voit ici que l’intention est bonne, mais qu’il
y a un brouillage des intentions et effets obtenus : la
tentative de solution fait partie du problème.
Élargissement systémique
Le sujet se trouve donc dans un cercle vicieux ou les solutions employées complexifient le problème. Souvent d'ailleurs, ces solutions ne suffisent plus et le cercle vicieux appelle des solutions exercées par d'autres (famille, amis, médecins...) qui elles aussi élargissent le trouble en l'installant dans des systèmes plus larges.
Automatisation
A force de répétition, anticipation de la peur et rituels deviennent automatiques, spontanés, sans effort cognitif. La personne ressent les rituels comme naturellement liés à la peur. Le système perception-réaction se rigidifie et la persistance du problème se met en place.
Quelques
principes découlent de ce constat :
w Quelque
soit leur origine, les problèmes persistent
en raison des
tactiques mises en place par le sujet pour les résoudre.
w Le
sujet, voyant ses stratégies se
révéler inefficaces, va les
renforcer. Erickson décrivait ainsi le
phénomène : « Encore
plus de la même chose ».
w Le
sujet doit donc
mettre en place de nouvelles solutions, mais aussi arrêter
de faire ce qu’il faisait jusqu’à
présent pour résoudre le
problème.
w On
peut en arriver à l’idée
qu’on traite le
problème, mais tout autant les tentatives
de solutions
inadaptées.
Par J. Boutillier, enseignant à l'INCTB, auteur de Se libérer des obsessions et compulsions